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Notre Union européenne – Place à l’audace, à l’action et aux résultats

Proposition de l’Association des anciens députés (AAD) du Parlement européen à la conférence sur l’avenir de l’Europe

 

Fondée sur les rapports et les documents des réunions du 22 avril, du 30 juin, du 12 octobre et du 7 décembre 2021, et enrichie par les contributions diverses et fécondes des membres de l’AAD et des députés au Parlement européen, la présente
proposition a pour objectif d’établir un large consensus au sein de l’AAD et de son groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe afin de contribuer à la séance plénière de la conférence sur l’avenir de l’Europe (ci-après la «conférence»).

 

Introduction

J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans les crises, et qu’elle serait la somme des solutions qu’on apporterait à ces crises.’ (Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976, p. 488)

En ces temps de crise sans précédent, il est plus important que jamais que l’Union européenne, qui doit faire face à des critiques tant internes qu’externes, réfléchisse à son avenir. Rassemblés sous l’égide de l’AAD, les anciens députés peuvent d’une certaine façon apporter leur pierre à l’édifice, compte tenu de leur expertise, de leur expérience et de leur mémoire politique et institutionnelle acquises au sein de la seule institution de l’Union élue au suffrage universel direct par ses citoyens.

La conférence est l’occasion unique de réfléchir à l’avenir de l’Union et d’engager un dialogue ouvert et inclusif à ce sujet.

Nous sommes convaincus qu’elle devrait être axée sur les grandes questions liées à l’intégration européenne et sur la manière de renforcer l’efficacité et la capacité d’action de l’Union, de répondre aux attentes des citoyens et de mieux protéger l’état de droit, y compris par des modifications des traités. Nous espérons également qu’elle permettra de régler certaines questions interinstitutionnelles, telles que l’avenir du système dit des Spitzenkandidaten, et que l’Union saura tirer les enseignements de la crise qu’elle traverse aujourd’hui.

Nous devons faire davantage. C’est pourquoi, en notre qualité d’anciens députés, nous voulons faire preuve d’audace afin de ne pas laisser passer cette chance de rendre l’Union plus ambitieuse.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons décidé de dégager cinq orientations générales que l’Union devrait suivre pour élaborer ses politiques à venir.

Nous avons par ailleurs dressé une liste de dix propositions concrètes concernant la voie que l’Union devrait emprunter, c’est-à-dire les domaines qui appellent des initiatives de sa part.

 

Orientations générales

 

  1. L’article 2 du traité sur l’Union européenne dispose que l’Union «est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes». Pour assurer sa crédibilité auprès de ses États membres et de la communauté internationale, l’Union ne devrait pas cantonner ses valeurs et ses principes fondamentaux à des domaines politiques spécifiques, mais devrait au contraire les intégrer autant que faire se peut dans tout ce qu’elle entreprend, à la faveur de dispositifs d’exécution solides et efficaces.
  2. II faut donner à l’Union une plus grande marge de manœuvre procédurale (ce qui permettrait d’éviter les blocages) et financière pour répondre aux attentes des citoyens. Cette latitude est essentielle pour associer les priorités des citoyens aux outils et aux moyens disponibles afin de réconcilier les attentes et les réalisations et d’éviter que les déclarations ambitieuses débouchent sur des résultats décevants. Avant de se demander s’il faudrait plus ou moins d’Europe, il vaudrait mieux que l’Union dispose d’abord des moyens d’agir pour combler les attentes de ses citoyens.
  3. Nous devrions tirer parti de tous les outils et de tous les moyens prévus par les traités, y compris de ceux qui n’ont pas encore été exploités[1], comme la possibilité de modifier les traités, laquelle modification devrait toujours servir à accroître la responsabilité des institutions et à renforcer le système démocratique de l’Union, notamment en ce qui concerne le rôle du Parlement ou la prise de décisions au sein du Conseil, afin d’éviter le recours au veto.
  4. L’Union devrait intégrer ses grands objectifs politiques dans toutes ses initiatives plutôt que de les contrecarrer. Autrement dit, les politiques de l’Union devraient concilier intérêts économiques (croissance et prospérité) et protection sociale (bien-être), de façon à instaurer une économie sociale de marché compétitive, dans le strict respect des normes environnementales et des principes de lutte contre le changement climatique. En effet, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce phénomène constituent désormais un enjeu planétaire qui nous impose de remodeler nos sociétés de fond en comble pour adopter des modèles plus durables et plus inclusifs. Il faut donner à l’Union les moyens politiques, juridiques et financiers lui permettant de continuer à jouer un rôle moteur dans ce processus.
  5. Il faut consolider la démocratie européenne aux échelons local, régional et national, dans le respect du principe de subsidiarité, en faisant participer de façon plus structurée les citoyens et les organisations de la société civile et en mettant davantage l’accent sur la transparence et l’accessibilité du processus décisionnel de l’Union. Cette participation n’a pas pour objectif de minimiser le rôle du Parlement européen et des parlements nationaux ou d’affaiblir la procédure électorale. Bien au contraire, les dimensions participative et représentative de la démocratie devraient être envisagées comme deux principes qui se renforcent mutuellement. Il convient d’accroître le rôle des partis politiques européens, surtout pendant les élections européennes.

 

Propositions concrètes

 

  1. La pandémie de COVID-19 que nous traversons actuellement a fait ressortir la nécessité d’une solidarité accrue entre les États membres, surtout en situation d’urgence. Il convient de mettre en place des dispositifs de soutien mutuel et d’aide à court terme dans le domaine de la santé à l’échelle de l’Union. Dans ce contexte, la solidarité qui a pris le pas sur le «coronationalisme» dont avaient initialement fait preuve les États membres, ainsi que leur travail d’équipe qui s’est révélé concluant pour lutter contre la pandémie, devraient servir de fondement à des solutions plus permanentes. En d’autres termes, la question la plus urgente est de savoir si l’Union sera mieux préparée la prochaine fois que se produira une catastrophe ou une crise d’ampleur[2].
  2. À l’heure où un État membre seul ne saurait rivaliser face aux superpuissances mondiales, qui n’agissent que dans leur propre intérêt, l’Union devrait se doter d’une véritable politique étrangère, de sécurité et de défense en recourant plus souvent au vote à la majorité qualifiée au Conseil, notamment pour imposer des sanctions, et en exploitant tous les instruments de flexibilité du traité, dont la coopération structurée permanente (CSP) afin d’éviter les blocages. L’Union et ses États membres doivent disposer d’une capacité de défense commune et opérationnelle pour être à même de réagir aux situations d’urgence et aux crises, comme lors des événements survenus récemment à l’aéroport de Kaboul. Il convient dès lors de consolider le pilier européen de l’Alliance de l’Atlantique Nord (OTAN). Voilà ce que les citoyens attendent de l’Union. Ce n’est qu’une question de volonté politique. En passant au vote à la majorité qualifiée dans le domaine des affaires étrangères, les États membres s’efforceraient de parvenir à des compromis sur les dossiers sensibles plutôt que de jouer de leur droit de veto.
  3. Sur la base de l’expérience acquise avec l’instrument NextGenerationEU, l’Union devrait pouvoir continuer à évoluer et décider de ses propres ressources , comme à tout autre échelon de gouvernance. L’Union devrait donc acquérir une autonomie budgétaire, notamment, pour pouvoir emprunter des fonds sur les marchés financiers en émettant des obligations, y compris en dehors du cadre du mécanisme de facilité pour la reprise et la résilience, et lever des taxes liées à ses domaines de compétence sur tout son territoire[3]. Il faudrait envisager d’étendre la portée des instruments élaborés dans le cadre de NextGenerationEU à l’occasion du réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Un retour à l’équilibre des budgets nationaux pourrait aller de pair avec un recours accru à l’emprunt à l’échelle de l’Union pour financer des investissements nationaux. Ces nouvelles mesures devraient par ailleurs être inscrites dans les traités. Qui plus est, le rôle de contrôle que le Parlement européen exerce sur les dépenses devrait également s’étendre aux recettes. Le budget global de l’Union devrait être à la hauteur de ses ambitions. Il est impossible de mettre en œuvre des politiques ambitieuses, encore moins de faire preuve d’audace, si on ne s’en donne pas les moyens.
  4. La numérisation devrait être inclusive, de façon à ne laisser personne de côté, et protéger les citoyens ainsi que les États membres de l’Union. L’Union devrait endosser le rôle de chef de file dans la lutte contre la cybercriminalité, surtout en provenance des pays tiers. La désinformation et la diffusion d’infox devraient être considérées comme des crimes contre la démocratie, en ce sens qu’elles sapent nos valeurs et nos principes de manière systématique. L’Union devrait garantir un espace virtuel sécurisé à tous les États membres et ce, à tous les échelons de gouvernance.
  5. Tous les citoyens de l’Union, en particulier les jeunes générations, devraient être mieux informés sur l’Union européenne. Pour ce faire, il convient d’élaborer des dossiers pédagogiques multilingues et accessibles au format numérique sur l’histoire de l’Europe, envisagée notamment du point de vue transnational[4], ainsi que sur l’intégration européenne et le système démocratique de l’Union.
  6. Il convient de redoubler d’efforts pour protéger l’état de droit, surtout au sein des actuels États membres. L’Union ne peut en effet exiger de manière crédible que les pays candidats à l’adhésion répondent à des normes strictes et adoptent une conduite irréprochable si ses propres États membres agissent au mépris de ses valeurs et de ses principes fondamentaux. Elle devrait par conséquent se doter d’un certain nombre d’instruments et les appliquer pleinement pour veiller à ce que tous les États membres respectent l’état de droit.
  7. L’instabilité géopolitique, la course mondiale aux ressources naturelles, la dépendance de l’Union aux importations d’énergie en provenance de pays tiers et l’incidence des politiques de lutte contre le changement climatique sont autant d’éléments qui appellent la création d’une véritable union de l’énergie. Afin de favoriser les sources d’énergie renouvelables au sein de l’Union et de garantir un approvisionnement énergétique sûr et abordable à tous ses citoyens et à toutes ses entreprises, il convient de lever les obstacles à l’intégration du marché intérieur, de coordonner les politiques nationales et de tenir compte des questions énergétiques dans la politique étrangère de l’Union.
  8. La mise en œuvre du système des Spitzenkandidaten devrait d’abord et avant tout incomber au Parlement. L’avenir de ce système est principalement tributaire de la volonté du Parlement à prendre position vis-à-vis du Conseil européen. Afin de renforcer le système des Spitzenkandidaten, il est envisagé d’introduire des listes transfrontalières avec un nombre limité de sièges pour autant que cela n’induise pas l’apparition de députés de première classe et de deuxième classe. Le nombre de sièges détenus par les groupes politiques au Parlement, où la voix de chaque député compte, est déterminant pour la nomination et l’élection du président de la Commission. En tout état de cause, il convient de rapprocher les représentants de leurs électeurs et de faire en sorte que les citoyens se sentent davantage écoutés par les députés européens.
  9. En tant que seconde chambre de l’autorité législative de l’Union, le Conseil devrait redoubler d’efforts pour renforcer la visibilité et la transparence de ses délibérations. Cette institution devrait agir comme un organe public unique, où toutes les décisions finales sont prises et dont les réunions devraient être ouvertes au public comme au Parlement.
  10. Il faut donner une véritable perspective européenne aux pays des Balkans occidentaux qui souhaitent devenir membres de l’Union[5]. Pour ce faire, une feuille de route concrète et détaillée, assortie d’un calendrier strict, est nécessaire. Cette démarche permettrait de renforcer la conditionnalité imposée aux deux parties: les pays candidats à l’adhésion connaitraient les modalités et le calendrier pour faire partie de l’Union et les États membres seraient encouragés à s’en tenir aux perspectives d’élargissement qu’ils ont convenues et à renforcer la capacité d’intégration de l’Union, notamment en ce qui concerne son processus décisionnel.

Le document a été adopté le 8 décembre 2021 par le conseil d’administration de l’AAD composé de:

 

Hans-Gert Pöttering, président

Monica BALDI, vice-présidente

Jean-Pierre AUDY, trésorier

Teresa RIERA MADURELL, secrétaire honoraire

Michael HINDLEY, membre

Brigitte LANGENHAGEN, membre

Miguel Angel MARTÍNEZ MARTÍNEZ, membre

Edward McMILLAN-SCOTT, membre

Pier Antonio PANZERI, membre

Manuel PORTO, membre

Sur la base d’une proposition adoptée le 7 décembre 2021 par le groupe de réflexion de l’AAD sur l’avenir de l’Union européenne dont sont membres:

Hans-Gert PÖTTERING, président de l’AAD et ancien président du Parlement européen (président);

Enrique BARON CRESPO, ancien président du Parlement européen et de l’AAD (Espagne, S&D, 1986-2009);

Elmar BROK, ancien député au Parlement européen (Allemagne, PPE, 1980-2019);

Pat COX, ancien président du Parlement européen et de l’AAD (Irlande, ALDE, 1989-2004);

Monica FRASSONI, ancienne députée au Parlement européen (Italie, Verts, 1999-2009);

Genowefa GRABOWSKA, ancienne députée au Parlement européen (Pologne, SOC, 2004-2009);

Zita GURMAI, ancienne députée au Parlement européen (Hongrie, S&D, 2004-2014);

Alain LAMASSOURE, ancien député au Parlement européen (France, PPE, 1989-1993/1999-2019);

Richard CORBETT,ancien député au Parlement européen (Royaume-Uni, S&D, 1996-2009/2014-2020) (observateur);

 

En étroite collaboration avec M. Steven Van Hecke et Mme Elisabetta Fonck, secrétaire générale de l’AAD.

[1] Pour en savoir plus sur les articles inexploités du traité, voir la résolution du Parlement européen du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne (OJ C 252, 18.7.2018):https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52017IP0049.

[2] Voir l’amendement déposé, entre autres, par Elmar Brok à l’occasion de la convention sur l’avenir de l’Europe (2001-2003), qui proposait d’inscrire comme compétence partagée «la lutte contre les risques transfrontières graves qui pèsent sur la santé publique»: http://european-convention.europa.eu/docs/Treaty/pdf/12/global12.pdf (page 11). Voir également les références à la santé publique comme compétence partagée dans le rapport final du groupe de travail XI «Europe sociale» (Bruxelles, 3 février 2003: http://european-convention.europa.eu/pdf/reg/fr/03/cv00/cv00516-re01.fr03.pdf), telles que celle-ci: «Il faudrait étendre la portée de l’actuel article 152 [traité instituant la Communauté européenne (version consolidée du traité de Nice)] afin de conférer davantage de compétences à l’Union dans le domaine de la santé publique et de couvrir des thèmes tels que les risques transfrontières graves, les maladies transmissibles, le bioterrorisme et les accords de l’OMS» (page 17).

[3] «Si nous voulons que l’Europe vive le “moment hamiltonien” dont elle a tant besoin à la faveur de ce train de mesures révolutionnaires, nous devons poursuivre sur notre lancée en continuant à recourir à l’emprunt une fois la crise terminée et en transférant progressivement ces ressources du soutien des budgets nationaux vers le financement des politiques européennes.» (Alain Lamassoure, 10 novembre 2021)

[4] Voir, par exemple, la Maison de l’histoire européenne: https://historia-europa.ep.eu/fr/mission-et-vision.

[5] Voir, par exemple, le communiqué de presse du Parlement européen publié le 25 mars 2021: https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20210322IPR00528/elargissement-plein-soutien-a-un-futur-europeen-pour-les-balkans-occidentaux.

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